Je suis la maman de Tristan qui a aujourd’hui 24 ans. Mon parcours d’aidante est donc assez long et je souhaiterais que mon expérience puisse servir aux parents plus jeunes. Tristan a été diagnostiqué à l’âge de deux ans et demi, mais ses problèmes de santé et ses difficultés motrices m’avaient conduite à travailler à temps partiel avant le diagnostic. Au moment de l’annonce du syndrome de Tristan, nous avons également appris que nous attendions un deuxième enfant. Le papa de Tristan a alors, avec mon accord, changé d’orientation professionnelle. Il a commencé une carrière d’artisan qui lui a permis de mieux gagner sa vie. Grâce à cela, j’ai pu prendre un congé parental afin de me consacrer à Tristan et à sa petite sœur. A la suite de ce congé parental de trois ans j’ai repris mon travail à mi-temps. Je ne vais pas détailler ici mon parcours. Il est le même pour tous les parents d’enfants atteints de maladies et/ou de handicaps : rendez-vous médicaux, rééducations, trajets plus longs afin de trouver le club de loisir qui conviendra le mieux…
Je voudrais plutôt attirer l’attention des parents de jeunes enfants sur deux points :
Tout d’abord, sur les conséquences des choix que l’on fait lorsque nos enfants sont petits. Je n’ai aucun regret sur le fait d’avoir travaillé à temps partiel. L’équilibre familial que nous avons trouvé à ce moment là m’a permis de beaucoup m’investir pour la scolarité de Tristan tout en gardant un peu de temps pour ses petites sœurs et pour ma classe, que je ne voulais pas négliger malgré notre situation. Nous avons privilégié la carrière de Fabien, le papa de Tristan, à la mienne, car il pouvait assurer un confort matériel que je n’aurais pas pu assurer avec mon travail de professeur des écoles. Mais je savais qu’en cas de souci (séparation ou décès) ma situation financière serait tout de même assurée par le fait que je détenais des parts dans l’entreprise de mon mari. Je dois dire que sans cette sécurité je ne sais pas si j’aurais fait le choix du travail à temps partiel. J’aurais peut-être ignoré les risques. A ce moment là de la vie la retraite est bien loin et on se dit que tout va bien se passer. Depuis, le papa de Tristan et moi avons divorcé. Comme Tristan n’est pas reconnu à 80 % d’invalidité, je n’aurai pas droit aux trimestres de parent aidant. Du fait de mon congé parental et des années de travail à mi-temps, le montant de ma future pension sera très inférieur à ce qu’il pourrait être. L’âge de la retraite approchant, je mesure réellement l’importance de ne pas négliger cet aspect.
Je souhaite donc vraiment attirer l’attention, notamment des jeunes maman qui sont souvent celles qui mettent de côté leur vie professionnelle, sur le fait que, même si on veut à tout prix faire le maximum pour nos enfants, il faut vraiment mesurer toutes les conséquences futures de nos choix et ne pas complètement s’oublier.
Je souhaitais également apporter un témoignage au sujet des petites sœurs de Tristan. Elles ont aujourd’hui 21 et 15 ans. J’ai toujours eu en tête l’idée qu’il fallait que je fasse attention à elles, que je leur consacre du temps. Fabien et moi avons donc toujours veillé à ce qu’elles aient leurs loisirs , des temps seules avec un de leur deux parents… un peu comme une leçon bien apprise et bien récitée. Je pensais remplir ma mission et faire tout ce qu’il fallait. Je me rends compte aujourd’hui que je n’ai jamais réellement mesuré à quel point elles ont été aidantes elles aussi, de manière indirecte. Je me suis toujours dit que j’avais de la chance d’avoir des filles bien sages et patientes sans jamais me dire qu’elles étaient peut-être un peu trop sages et patientes. Sans me dire non plus, qu’il serait peut-être bon pour elles d’avoir un moment et une personne à qui parler de ce qu’elles pouvaient ressentir dans cette vie pas tout à fait ordinaire. C’est grâce à la psychologue qui me suit aujourd’hui, que je réalise que je ne les ai pas suffisamment aidées et protégées. Je ne me sens pas coupable. On fait tous du mieux que l’on peut. J’ai fait ce que je pensais devoir faire pour mes filles comme pour leur frère. Aujourd’hui nous sommes une famille heureuse où chacun avance ; Tristan avec les difficultés liées à son handicap et ses sœurs avec l’influence que cela a pu avoir sur leur construction.
Je me dis simplement, avec le recul, que je ne me rendais pas assez compte qu’elles se sont souvent effacées pour nous simplifier la vie. J’aurais aimé que l’on me mette davantage en garde sur ce point lorsqu’elles étaient plus petite, c’est pourquoi je le fais aujourd’hui pour d’autres parents.